Jacques Rémy Lespès, sous-préfet et résistant (1911-1944)

Mis à jour le 13/05/2024
Jacques Lespès a été fait :
- Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume au Journal officiel du 12 janvier 1945
- Cité à l’ordre de la Nation le 21 septembre 1945 par le général de Gaulle
- Médaillé de la Résistance par décret du 3 août 1946. Reconnu "Mort pour la France" le 25 octobre 1945
- Préfet honoraire sur proposition du comité d’épuration du Ministère de l’Intérieur.

Né le 30 octobre 1911 à Bordeaux, de Roger Lespès et Marguerite Klecker, Jacques Lespès est titulaire d’un doctorat en droit de l’université de Strasbourg. Il rejoint l’administration en 1941 comme chef de bureau auxiliaire à la préfecture du Rhône et devient chargé de mission de 3ème classe à l’intendance des affaires économiques de la région de Clermont-Ferrand en 1942. Le 21 février 1944, il est nommé sous-préfet de l’arrondissement de Bonneville en Haute-Savoie.
      
Très rapidement, son action est reconnue par tous. Homme de cœur, patriote ardent, ses qualités humaines le signalent comme un haut-fonctionnaire particulièrement engagé dans cette mission très difficile en ces temps troublés ; la Haute-Savoie est en état de siège depuis le 31 janvier 1944 et sur le plateau des Glières, la Résistance lutte sans relâche contre l’occupant.
      
Jacques Lespès est membre du réseau Eleuthère-Gisèle Suisse, créé au 3ème trimestre 1943, en qualité d’agent P2 (sous-lieutenant Forces françaises combattantes au 1er juin 1944). Ce réseau a pour objectif de transmettre, par radio directe et par courrier, des renseignements militaires, politiques et économiques aux états-majors alliés et Suisse par le réseau Gisèle Suisse.

Le 14 juin 1944, convoqué à Annecy par le Préfet de la Haute-Savoie, Jacques Lespès prend la route pour se rendre à la préfecture. À 10h30, alors qu’il est accompagné de sa mère aux environs de la commune d’Eteaux, il se retrouve face aux résistants du Corps franc départemental Raymond, composé de 24 hommes, qui bloque la route au Groupe mobile de réserve (GMR) Jarez. Se portant au devant du barrage, il négocie avec les deux chefs du Corps Franc, et, pour éviter un bain de sang entre Français, ordonne, par écrit, au commandant du GMR, le dépôt des armes par les 182 membres du GMR et la poursuite de leur trajet sans encombre vers Annecy.

À son arrivée à la préfecture, il rend compte des événements au préfet qui lui ordonne de retourner dans sa sous-préfecture et d’y attendre les ordres. Au secrétaire général de la préfecture et à ses amis, qui lui conseillent d’aller se mettre à l’abri en Suisse, il répond sans aucune hésitation "je tiens à assumer jusqu’au bout la responsabilité de cette affaire, dussé-je être fusillé par les Allemands, d’ailleurs je ne regrette rien". En sortant de la préfecture, le sous-préfet de Thonon-les-Bains, qui l’avait déjà interpellé à son arrivée, le bloque et lui demande de rentrer à nouveau dans le bâtiment. Il est arrêté le soir même par la Gestapo.

Le 15 juin 1944, considéré comme étant le premier fonctionnaire civil français ayant donné l’ordre de désarmer devant la Résistance, il est passé par les armes, sans jugement, à la caserne Galbert. D’après les dires d’un agent de la Gestapo présent : "il est tombé très courageusement, il a marché à la mort sans la moindre résistance."

Lorsque son corps fut examiné, ni sa veste ni son gilet ne portaient de trace de balle… au moment de mourir, face à ses bourreaux, il a, de sa main gauche, entrouvert sa veste et son gilet pour désigner son cœur à ceux qui devaient l’abattre. Il repose dans le carré militaire du cimetière de Loverchy à Annecy.